Promenons-nous... {PV john}

Taini avait enfin parcouru l’ensemble de l’île et ne risquait plus de s’y perdre à présent. Tous ? Non ! Un petit village d'irréductibles Gaulois ré…Hurm, pardon. Un petit quartier à l’Est lui était encore et toujours inconnu. Le quartier des sorciers et des maléfices. Witche’s corner. La brune frissonnait à chaque fois qu’elle se proposait à elle-même d’aller y faire un tour et finissait par abandonner l’idée. Pourtant, elle refusait de s’avouer vaincu. Et si elle devait dans le futur se retrouver nez à nez avec l’un d’eux ne valait-il pas mieux connaitre l’ennemi et son quartier général pour pouvoir s’y repérer en cas de besoin ?
Aujourd’hui serait la bonne s’était promis Taini. Bien que, contrairement à sa visite à Fairy Dust où elle avait commencé sa visite en pleine mâtinée, elle préféra attendre le début d’après-midi lorsque le soleil pointe haut dans le ciel et que le Grand-Esprit irradie la terre éloignant au plus de sa force les mauvais esprit.

Un repas frugal, si l’on doit courir mieux vaut ne pas être empâté par la digestion, une paire de bottines plates, un bermuda en jean ample et un t-shirt large tenu aux hanches avec une ceinture de cordons de cuir et c’était parti. Simple, qui ne tiens pas chaud et permet la fuite.
Totalement apeurée ? Taini ? Du tout voyons ! Qu’allez-vous penser, il s’agit là de simples précautions. Tout à fait ! On n’est jamais trop prudent dans la vie –ouais, enfin là, elle vire parano la petite-.

Apprêtée, on démarre la route. Si le début du trajet se passe à merveille : temps radieux, une chaleur sèche mais pas étouffante comme l’autre fois, pas de bataille d’eau. Rien pas une encombre et Taini se détends. Mais une fois devant le quartier, la frousse remonte et la magicienne regarde discrètement derrière elle.
L’ambiance parait totalement différente entre ce côté-ci de la rue et celui d’en face d’où elle vient.
La jeune femme déglutit, prends une inspiration.
*Allez Tai’, ce n’est pas en fuyant que tu deviendras indépendante !* tente-t-elle de s’auto-persuader. Un pas, puis un second et la voila entrée dans le quartier. *Bin voila, ce n’était pas si difficile.*

Plutôt calme comme quartier d’ailleurs. A l’allure des bâtiments, il ressemblerait presque à Magician alley, les plantes vénéneuses et les effluves de potions en plus peut-être.
Taini continue son petit tour en s’avançant dans l’antre de la magie noire, seule. Au moins ici, il n’y a personne à éviter. Si elle ne savait pas que les sorciers sont la partie sombre de la magie elle aurait peut-être été tentée. Enfin, peut-être hein ! C’était comme sa lubie une fois de s’installer sous la mer et d’y vivre jusqu’à sa morte. Une simple hypothèse peu probable.
Tout de même intriguée, la brune regardait de temps à autres autour d’elle. Ça changeait vraiment des deux autres quartiers. L’un tout roses avec des gens qui s’échanger des gâteaux à la fraises et l’autre moderne mais avec des éléments d’architecture anciens et un trafic humain importants.

Profitant de la tranquillité ambiante, si l’on peut dire, Taini fini par s’asseoir sur un banc dans une des rues. Évitant de s’asseoir sur la tâche jaunâtre au milieu de ce dernier. Rejetant posément la tête en arrière, elle ferma les yeux profitant du silence.

Ce ne fut pas l’odeur qui « réveilla » la jeune fille, mais le bruit de verre brisé. Après tout, elle fermait juste les yeux afin de mieux profiter du silence. Et si les pas de John étaient aussi furtif que ceux d’un fantôme, une fiole qui se brise dans un silence de mort ça s’entend, surtout si c’est tout près.

Taini ouvrit grand les yeux avant de se tourner vers l’origine du bruit, ne remarquant même pas la présence à l’autre bout du banc.
Rien.
Aucun débris de verre, sans doute évaporés dans la nature, aucun signe de quelque chose qui venait de se briser. Pas même de filer de gaz coloré pour indiquer quoique ce soit. Rien ! Si ce n’était cette horrible odeur : un affreux mélange d’œufs punais et de vomis fermenté, le tout mis ensemble pour être laissé macéré dans du formol pendant un laps de temps conséquent. La brune plissa du nez et ferma les yeux sous le contrecoup du relent infect. Ce n’était pas non plus au point de vous prendre à la gorge ou de piquer les yeux, John aurait pris soin de mieux se protéger, mais ça avait de quoi réveiller un mort.

« Eurh… »gémit-elle en portant la main à sa bouche et en se détournant de la provenance de l’odeur – comme si ça allait la rendre moins forte…-.

C’est seulement à ce moment-là qu’elle se rendit compte de l’autre présence alors qu’elle fixait le bois du banc. Elle vit un bout de tissus ou plus particulièrement un jean sur un bout de cuisse. Taini releva brutalement le menton et fixa l’inconnu assis désinvoltement en train de bouquiner un magasine, un pince-nez le protégeant de l’odeur.
Les informations circulèrent vite, très vite dans l’esprit de Taini. A moins qu’elle n’ait la chance miraculeuse – ce qui n’était pas sa plus forte caractéristique- qu’il ne s’agisse d’un magicien ou d’un spécialiste en perdition comme elle, c’était un sorcier à n’en point douter. Et vu ce qu’il arborait sur le nez, il ne devait pas être étranger au problème d’odeur. Parfois la méfiance de Taini avait du bon, et sans le savoir elle devina juste –pour une fois…-.
Le but ? Qu’en savait-elle ? Elle n’était pas devin. Mais se retrouver côte à côte avec un mage noir ne la rassurait guère et intérieurement elle se maudissait pour avoir eu cette idée saugrenue.

Cependant, l’instant n’était pas à la réflexion, mais à l’action. Agir comme si de rien n’était, ne pas laisser transparaitre son malaise, faire comme s’il n’était pas là et partir tranquillement, de manière normale. Elle aurait bien fait le mort à la place, mais cette dernière doutait fortement du taux de réussite d’une telle entreprise et avec la puanteur ambiante c’était légèrement compromis.

Taini se raidit le dos pour s’étirer, comme après une petite sieste et se releva. Aïe. Ce que sa mère lui avait racontait sur les mage noirs et leurs maléfices lui revenait en tête et ses jambes ne lui semblait pas la tenir aussi bien qu’à son arrivée.
Allez ! On garde la tête haute, on bombe le tor… Ouais, enfin on continue tout droit quoi et sans ciller je vous prie.
Malheureusement, ses pieds en décidèrent autrement et elle manqua de tomber quand sa cheville flageola quelques pas à peine après avoir quitté le banc.
Boulettisme : 1 – Naturel : 0…

Bon bin voila ! Ca c’était fait : se péter la honte devant un sorcier était à rayer de sa liste des choses à ne pas faire…
Il faut qu’aussi, le quartier y fût un peu pour beaucoup. On trébuche parce qu’une cheville flagelle, on manque de tomber et on se récupère en s’appuyant sur une barrière qui nous prends en traite et se brise car trop vermoulue. Mais bon… Prendre en traitre, c’était bien un truc de sorcier ça.
M’enfin… visiblement, ce qu’il venait de voir avait du plaire au bellâtre quelques pas plus loin vu qu’il riait à s’en décrocher la mâchoire. A croire qu’il était responsable de ça aussi, ce qui, avouons-le, n’aurait rien d’étonnant.

Une main entra dans son champ de vision. Une main qui, sans être aussi épaisse que celle d’un bûcheron, était amplement plus large que celle de la magicienne. Une main où pouvait se lire l’empreinte que le temps y avait laissée. Puis une voix chaude et suave la sortie de son analyse en lui demandant si ça allait. Taini eut bien envie de lui répondre sèchement que non ça n’allait pas, mais ce n’était pas dans sa nature de parler ainsi, ça ne ferait qu’envenimer les choses et surtout…Elle allait bien, elle pouvait marcher, parler et se débrouiller seule. Pas de quoi se plaindre en somme.
Néanmoins, elle refusa la main tendue d’un signe de tête avant de se relever seule et de s’épousseter les genoux. A peine égratigner, pas de quoi en faire un drame et nul besoin de sort pour ça. Par contre sa main gauche, celle qui c’était rattraper au bois pourris, s’était griffés dessus quand ce dernier avait cassé. Pas de bol, mais tout les doigts bougeaient et aucune écharde n’était coincée.
Pourtant, Taini aurait bien fait apparaitre son baume de cicatrisation à base d’Aloès. Malheureusement, elle n’avait toujours pas prit le temps de s’en occuper et utiliser la magie pour si peu, c’était d’un ridicule.

Abandonnant sa main à son sort, elle redirigea son attention sur le fameux sorcier. Grand, svelte et le regard sombre. Sinon, les sorts de métamorphose, c’était pas mal aussi plutôt que les soins. On pouvait facilement se glisser dans les égouts ou à travers un minuscule trou pour fuir. Sauf qu’elle n’en avait pas et qu’elle était là devant lui, bien présente et bien visible –à moins qu’il ne regarde droit devant lui, auquel cas elle échappait à son champ de vision…-.
Pour le moment il n’avait pas l’air des plus agressif, mais n’avait-ce pas été le cas avec les autres ? Un regard neutre ou sympathique et ensuite les problèmes ? La méfiance était donc de mise.

« Oui, ça va. » répondit-elle d’une voix impassible. Pas froide, ni agressive ou sec, juste neutre.

La brune aurait bien ajouté : « Ne vous inquiétez pas. », mais lorsqu’on s’adresse à un sorcier, c’est d’une absurdité des plus totales. Plus encore que celle qu’avait l’habitude de pratiquer Taini.

Il est des jours où l’on est heureux de ne jamais s’emporter rapidement –sauf quand il s’agit d’alien…- et de ne pas cracher notre agacement et notre venin, du à la peur, au visage de celui qui nous agace.
Après tout, qu’était-ce que ce ton hautain ? Ils ne se connaissaient pas, elle aurait très b… Ouais non en fait, Taini devait paraitre tout ! Sauf sorcière, sa sœur par contre… Mais là n'était pas le sujet. Par deux fois il venait de la qualifier de stupide –ce qui n’est pas tout à fait faux soit dit en passant- et l venait en prime de la menacer ? Mais bon, comme lui disait sa mère. Faire comme le roseau, laisser couler, respirer et faire avec. Au moins lui avait-il dit qu’il ne l’attaquerait pas, ce qui, venant d’un sorcier, était fortement discutable.

Finalement, ce dernier se décida à lui faire face, ayant peut-être jugé Taini digne de regarder son auguste figure, bien que se fut surtout ses trous de nez qu’elle put agréablement observer. Enfin, passons ce petit détail peu ragoûtant. Ainsi le sorcier s’appelait John. Son nom ? Sans doute n’en a-t-il pas.

« Mia McKenzie. » répondit la brune à la question.

Oui ! Ce n’était pas son vrai prénom, mais ça, John n’en savait rien et à moins de lire les pensées, ce qu’elle espérait sincèrement qu’il ne sache faire, il n’en saurait rien. Pourquoi lui mentir demanderez-vous ? Et bien, depuis toute petite, Taini a grandi avec l’idée que les mages noirs se servent des noms pour manipuler et maudire les gens. John étant un mage noir, je vous laisserais faire le parallèle.
Il était donc normal pour la jeune amérindienne de mentir pour se préserver, ce qu’elle fit avec le plus grand naturel à sa grande surprise.

* Visiter pour mieux pouvoir m’y enfuir si jamais je me retrouve embarquées dans une embrouille ici, un jour ? * eut envie de répondre la métisse, mais se serait livrer son angoisse à l’ennemi et ce, sur un plateau d’argent. Et quoi de pire que de faire cela pour mieux être vaincue ensuite.
Cependant, le cerveau de Taini décrocha vite de cette pensée et rebondit sur la dernière phrase, le dernier mot, que le sorcier avait dit. Il croyait qu’elle était… une fée ? Elle se visualisait à présent en train de se transformer baignée dans la lumière mystique et mirifique des fées le tout accompagné de paillettes et de papillons cristallins avant de flotter dans les airs grâce à ses petites ailes et des vêtements miniatures. Une seconde version consistait à ce qu’elle soit enveloppée d’un halo de lumière que sa nageoire grandisse et qu’elle flotte à quelques mètres du sol grâce au saint esprit et nimbée de l’aura divine. Dans chacune des versions, elle avait l’air ridicule au possible et l’image que Taini avait d’elle-même ne venait que renforcer cette impression. Pour elle ce n’était que voir un boudin noir, ou blanc bien cuit, dans des vêtements moulants aux couleurs criardes et le tout parsemé de paillettes d’un discrets magistrale. Bref, immonde à son goût, plus que d’habitude encore.

« J’apprends à connaitre mon environnement et l’île où j’habite… » avait finit par répondre la brune lorsqu’elle fut enfin sortie de sa rêverie, si l’on peut qualifier cela de rêverie vu la nature de celle-ci.

* Pour mieux savoir les coins à éviter * manqua-t-elle d’ajouter. Et puis… ce n’était pas comme si Taini trouvait qu’un endroit lui fût approprié.

Manifestement, Taini en plus de ne pas être une personne fort doué en social et autre attitude mondaines, n’était pas non plus une personne fort chanceuse pour, après avoir rencontré un alien, tomber sur un sorcier. Malgré tout cela avait toujours été son lot quotidien, la malchance, aussi avait-elle fini par vivre avec et ne plus y prêter attention.